Gare ferroviaire, Vladivostok
Vladivostok signifie littéralement « qui domine l'Orient ». C'est le le terminus du Transsibérien, marquant les 9 288 km de voie ferrée depuis Moscou. C'est la plus grande ville de l'Extrême-Orient russe, et accessoirement, sa fenêtre sur l'Asie et le Pacifique. Dans son livre Prose du Transsibérien, l'écrivain français Blaise Cendrars fait souvent référence à Vladivostok comme étant « tout au bout du voyage ». Venant de Chine, c'était pour moi le point de départ du Transsibérien et le début de ce voyage.
Train de pensées
En marchant dans le train, en passant d’un wagon à l’autre, je contemple les passagers se perdre dans leurs pensées les yeux fixés sur le panorama fuyant des plaines marécageuses. Tous plongés dans une rêverie qui est l’un des plaisirs du voyage en train, nous regardons au dehors mais notre attention est portée vers l’intérieur, en nous ... Jusqu’à ce qu’un compagnon de cabine surgisse ou un village – comme ceux peints par Levitan – brise la monotonie du paysage nous laissant songeur sur le quotidien des vies ancrées dans ce beau milieu de nulle part. Alors que nous traversons la Sibérie – qualifiée par Ian Frazier de territoire si vaste que «c’est plus une idée qu’un lieu» – je demande aux autres passagers de partager leurs sentiments à propos du voyage. Dans cette série, j’assemble ces wagons de pensées et je vous invite à monter à bord, à marcher dans le couloir du train et apercevoir ce qu’ils voient et ressentent en visionnant les images ci-dessous.
/ Ce projet marque le 100e anniversaire (05/10/1916 - 05/10/2016) du chemin de fer transsibérien et a été développé dans le cadre du programme #asefsu20 de la Fondation Asie-Europe : https://www.asef.org/
- Je m'appelle Svetlana, j'ai 44 ans et je suis née à Irkoutsk, en Russie. Je travaille comme serveuse dans le Transsibérien depuis trois ans. J'ai décidé de travailler dans le Transsibérien parce que je voulais voyager et découvrir davantage mon pays. J'ai attendu que mes enfants grandissent et deviennent indépendants pour prendre cette décision.
-Je m'appelle Galina, j'ai 37 ans et je travaille comme serveuse depuis mai 2016. Je suis originaire de Chita, mais je vis maintenant à Irkoutsk. Mon rêve est de devenir chef de wagon. Je dois commencer au bas de l'échelle, mais j'espère pouvoir gravir les échelons le plus rapidement possible.
Svetlana me raconte qu'elle repense au réveillon du Nouvel An dernier, lorsqu'un cirque et des chanteurs sont montés à bord et ont transformé le wagon, puis tout le train, en une extraordinaire scène roulante.
Je m'appelle Sergei, j'ai 39 ans. Je suis né à Vladivostok, mais je vis aujourd'hui dans un village au bord du lac Baïkal. Je travaille au wagon-restaurant depuis 2012, je m'occupe de l'approvisionnement en charbon. Avant cela, je travaillais déjà pour les chemins de fer... J'ai probablement passé plus de temps dans le train qu'à l'extérieur de celui-ci au cours de ma vie. Ce train a une vie propre, si vous écoutez le bruit qu'il fait, ce « tadam, tadam, tadam »... C'est comme des battements de cœur !
Evija Belanina, 26 ans. Originaire de Riga, en Lettonie.
« Lorsque vous voyagez à bord du Transsibérien, vous perdez la notion du temps. La cabine devient votre maison, l'horaire du train définit votre programme, le paysage à l'extérieur de la fenêtre influence votre humeur, les histoires des autres voyageurs façonnent vos souvenirs. Et vous réalisez que le voyage est devenu plus important que la destination elle-même. »
[Le portrait a été pris lors d'un voyage en train de 20 heures entre Chita et Irkoutsk, en Sibérie, Russie. 1 103 kilomètres séparent les deux villes.]
le long du lac Baïkal, Irkoutsk
Bundid Mienmany, originaire de Vientiane, au Laos.
« C'est le plus long voyage que j'ai jamais fait, à passer des jours et des nuits dans le train pour parcourir des milliers et des milliers de kilomètres... Je ne connaissais pas grand chose du Transsibérien juste ce que j'avais lu ou vu à la télévision. La réalité était impossible à imaginer, même dans mes rêves les plus fous. J'ai l'impression d'apprendre beaucoup en partageant cet espace confiné avec des gens venus du monde entier et les locaux, ancrés dans leur vie quotidienne. »
Tanya Chong, 27 ans, originaire de Londres, Royaume-Uni.
« Je veux créer de nouveaux souvenirs avec tout le monde autant que je veux voir défiler les différents visages du monde - j'espère trouver un bon équilibre entre les deux ! »
Le lac Baïkal, Irkoutsk
Su Myat Naing Aung, originaire de Yangon, au Myanmar.
« Quand je vois les vastes étendues de terre, les montagnes imposantes et l'immense lac Baïkal, dont la surface infinie touche l'horizon tout au long du voyage, j'ai soudain l'impression que mes problèmes sont insignifiants comparés à ces éléments gigantesques de la Terre. C'est à ce moment-là que je me sens en paix, car je ne ressens aucune rancœur envers le passé, je ne m'inquiète pas pour l'avenir et je profite simplement du présent. »
« Quand j'étais enfant, je voyageais souvent avec mes grands-parents dans différentes villes de ma région en train. Comme la plupart des gares étaient plus petites que celle de notre ville natale, je pensais que notre ville était le centre du monde avec la plus grande gare de toutes (et que le monde était une planche plate d'une douzaine de kilomètres de diamètre). En grandissant, j'ai réalisé que j'étais loin du compte, mais j'ai continué à privilégier le train comme principal moyen de transport pour voyager à travers le monde. J'ai décidé de ne jamais cesser d'explorer et de découvrir toutes les plus grandes gares, les chemins de fer les plus longs et les extrémités les plus éloignées des réseaux ferroviaires. Le plus drôle, c'est que je suis aujourd'hui doctorant en ingénierie ferroviaire à l'université de Pardubice. »
Extract of my travel diary
Aloysius Ang Weiqiang, 26 ans, originaire de Singapour.
« Tout ce à quoi je pense, c'est à l'immensité des terres que nous traversons. Et à quel point le bruit et le mouvement du train sont étrangement apaisants. »